Adversité – Flavie Albuisson

Ouch ! Une brusque et intolérable douleur me plie en deux.
_ Laura, tout va bien ?
Respiration coupée. Dents serrées à m’en fissurer la mâchoire.
_ Laura ?!
Je m’effondre. Sol froid. Je suis brûlante. Sol humide. Ai-je à ce point sué ?
_ Laura, que se passe-t-il ?
J’agonise. Une putain de douleur. Mon ventre se déchire.
_ Laura, j’appelle les pompiers, ne vous inquiétez pas, vous n’êtes pas seule, ça va aller.
Je m’extraie. Partir, partir loin de ce corps comme je sais si bien le faire. Un vrai talent. Le seul que j’ai, d’ailleurs. Et voilà, je ne les entends plus. Ces questions incessantes, cette incompréhensible panique. Loin, loin de moi. Foutez-moi la paix, bordel ! Laissez-moi crever. En plein cours, comme ça, à vos pieds. Ce serait comique, non ? Mourir une deuxième fois, au même endroit.

Le camion de pompiers, les urgences. Et le retour à la réalité. Brutal, terrible, impensable, cruel… Choisissez le qualificatif que vous voulez. De toute façon, il n’y a pas de mot. L’horreur dans un écrin feutré. J’ai accouché.
Le voilà dans mes bras, qui hurle. Ce même cri strident qu’il m’est impossible d’émettre. Ce cri, coincé au fond de ma gorge, qui m’étouffe, m’oppresse. Je ne peux pas. Je vous en conjure, faites-moi crever ! Je ne peux pas, je ne peux pas, je ne peux pas… c’est impossible. Mon cerveau fume. La réalité refuse de s’y inscrire. Mes neurones l’esquivent, ne peuvent s’y soumettre. Une nouvelle douleur me transperce de part en part. Terrible, plus encore qu’avant. Je sombre dans le néant.

_ Bonjour mademoiselle, je suis la psychologue du service, je viens vous voir suite à votre accouchement…
« Mademoiselle ». C’est pas interdit maintenant ? Féminisme excessif peut-être, mais j’en ai rien à faire. Lui seul me permet d’exister. Alors maintenant, ce sera madame. Parce que, bordel, je suis une femme. Et en couple ou non, mariée ou pas, je reste la même. Alors, pourquoi faire une putain de différence ? Et puis, « mademoiselle », c’est dangereux. C’est jeune, c’est ferme, c’est beau. Donc attrayant. Donc attaquable. Pas besoin de vous faire un tableau. « Mademoiselle »… je suis sûre que ce seul mot leur fait durcir la queue.
_ … j’imagine que vous devez être en état de choc…
Non, ducon, tout va bien. C’est simplement la deuxième fois que je me fais déchirer la chatte par un monstre…
_ … un déni de grossesse est toujours un évènement brutal et qui peut être vécu comme intolérable pour une jeune mère. Il est normal de se sentir dépassée, il est normal d’avoir besoin d’aide et de temps. Je suis là pour vous aider à poser des mots sur ce qui vient d’arriver, essayer de comprendre la raison de ce déni, afin de pouvoir prendre une décision par la suite.
Je reste muette. « Muette comme une carpe », dit-on. Une expression pas con, en somme. Une carpe, c’est dans l’eau. Comme moi. Sauf qu’elle, elle peut y vivre. Moi, je me noie.

Une insomnie. Je ne connais que ça, ces derniers mois. Ces nuits interminables à regarder par la fenêtre le déplacement des étoiles. Enfin, ce qu’on croit être leur déplacement, alors qu’il s’agit du nôtre, paraît-il. Nos yeux nous trompent toujours, non ? Alors, il y a peut-être une chance pour que ce petit monstre sous mes yeux n’ait finalement aucune réalité. Une simple vue de mon esprit malade. Je suis peut-être simplement folle. Douce pensée rassurante d’une nuit sans sommeil. Mais s’il n’est que fantôme créé de toute pièce, peut-être puis-je le tuer ? Ce petit être qui se meut doucement, et me regarde, surpris. Il me suffirait de poser une main sur sa bouche et de lui pincer le nez. Il s’éteindrait doucement, dans un sommeil paisible. Quelle chance ! Être d’une telle fragilité que même un être faible et sans force peut lui ôter la vie. Moi, je survis à tout. Des monstres peuvent me fendre que je suis encore là. Désespérément vivante.

_ … il est normal que vous peiniez à tisser un lien avec lui. La grossesse est une période dans laquelle se construit le sentiment maternel. Les premiers mouvements du fœtus permettent à la mère de tisser un lien, les changements corporels la préparent, ils matérialisent et symbolisent en eux-mêmes les changements de vie qui attendent le couple. Vivre un déni de grossesse empêche de traverser cette période charnière pourtant indispensable pour passer du stade de couple à celui de famille…
_ Y a pas de couple, bordel, vous comprenez ça ?! Il n’y a pas de couple et il n’y en a jamais eu ! Juste un pénis, un sabre qui vous fend en deux. Vos tartinades d’amour et de mièvreries, j’en veux pas ! C’est pas ça la vraie vie ! Les couples, l’amour, la famille… du vent pour faire croire aux putains de moutons que nous sommes que l’existence a un sens. Alors, comme des bêtes, on baise, on se reproduit, on se répand. Rien nous arrête. L’homme, en haut de la pyramide des espèces ! Grâce à cette fameuse raison qui nous élève au-dessus de tout ! Mais quelle blague !
_ Il est normal que vous ressentiez de la colère, et je me réjouis que vous parveniez enfin à l’exprimer. Je relève que la question du couple est douloureuse pour vous. Nous ne sommes toujours pas revenus sur le sujet du père depuis votre admission. Peut-être serait-il pertinent de travailler cette question. Avez-vous une idée de son identité ?
_ Le père ? Mais y a pas de père ! Vous comprenez ça ?
_ Qu’entendez-vous par « il n’y a pas de père » ?
_ Il y a une salle de classe, de la pénombre, de la peur. De la peur, partout. Des molécules de peur dans l’air, plutôt que d’oxygène. Il y a des mains, des corps, des coups. Un pénis, un vagin. Voilà ce qu’il y a. Violence, douleur. Meurtre. Mais aucun père, vous comprenez ?!

Je le regarde. Si petit, si fragile, dans son berceau. Lui aussi me regarde, méfiant. On se jauge l’un l’autre. Il semble ne pas vraiment savoir ce qu’il fait là. Moi non plus, d’ailleurs. Que fait-il, que faisons-nous tous ici-bas ? Je me sens seule, si seule… Personne ne comprend. Personne ne comprend que la seule issue maintenant, c’est la mort. Sa mort, la mienne, pour arracher le mal à sa source. L’anéantir. Enfin.

_ Souhaitez-vous porter plainte ?
_ Comment ?
Il me regarde, sans comprendre.
_ Vous voyez pas que j’existe plus ? Que j’ai plus de force, que je suis un fantôme ? Vous prenez les dépositions des morts maintenant ?
_ N’avez-vous personne qui puisse vous soutenir dans cette épreuve ?
_ J’ai depuis longtemps anéanti tout ce qui restait de vivant autour de moi.
_ Peut-être n’y a-t-il rien de vivant autour de vous, ça, vous êtes seule à pouvoir en juger. Mais autour de lui, votre agresseur, du vivant, il y en a encore probablement. Du vivant en danger. C’est là-dessus que vous avez un pouvoir. Peut-être n’avez-vous pas de force pour vous, mais il vous faut en avoir pour elles.

Je relate. Indifférente. Est-ce que cela aura un intérêt ? J’en doute. Mais bon, puisqu’il faut le faire. Je regarde les visages des deux flics qui prennent ma déposition. La femme semble peiner à contenir son émotion. Ses yeux brillent. Elle a l’âge d’être ma mère. Elle imagine certainement sa fille à ma place. L’homme, lui-aussi, galère. Je vois sa glotte monter et redescendre sans cesse lorsqu’il déglutit, difficilement. Le récit d’une boucherie, voilà ce que je fais. Et moi, je m’en fous. Une sans cœur. Bah oui, je suis morte.

_ Il a été arrêté. Nous avons de solides preuves contre lui, il ne s’en sortira pas. La comparaison avec l’ADN de votre fils a confirmé qu’il en était le père. Il n’est pas encore passé aux aveux, mais un nouvel élément alourdit le dossier. Une jeune femme est venue porter plainte. Il s’agit d’une étudiante de votre promotion, elle a relaté des faits d’harcèlement, d’attouchement et de viol commis à son encontre par votre professeur. Les faits auraient eu lieu il y a cinq semaines.
Mon sang se glace. Finalement, j’étais peut-être pas morte. Une innocente. Une nouvelle victime. Par ma faute. Bordel ! J’aurais pu lui éviter ce cauchemar. J’aurais dû. Ma lâcheté m’a rendue coupable. J’ai laissé ce monstre recommencer, impunément.
Le barrage est détruit. L’eau s’était accumulée en trop grande quantité. Ses fondations se sont brisées d’un coup. Des litres et des litres de douleur, d’une insupportable douleur, se répandent. Ils prennent d’assaut chaque veine, chaque artère, et s’y déversent sans peine. Mes organes se dilatent, emplis de toute cette merde. Ils se dilatent au point de buter contre mes os. Ma cage thoracique ne peut les contenir. Elle va imploser, je le sens. Elle va imploser et des litres de sang vont ainsi se répandre, comme ça, vainement, à mes pieds. Des litres de sang, des litres de souffrance. Je vais mourir et pour la première fois depuis tant de mois, j’ai peur.

J’erre dans les rues. Dans les rues d’une ville que je ne reconnais pas. Les gens me paraissent étrangers, anormaux. Leur visage est parfois contracté, les lèvres se retroussent, les dents sortent de leur carcan. Un lointain souvenir identifie cette image incongrue : un sourire. Le bruit saccadé d’une cascade : des rires. Le bonheur n’a donc pas disparu. J’erre, sans nulle part où aller. Les yeux écarquillés d’une terreur passée, périmée de neuf mois, mais qui ressort et se répand maintenant, liquide empoisonné. J’incarne par tous mes pores ce tableau qui, petite, a hanté mes cauchemars. Comme Munch, il me semble que je crie silencieusement ce qui ne peut être entendu, ce qui ne peut être compris. Ce que moi-même, je ne comprends pas. Un bruit strident m’agresse les tympans. Je tourne la tête vers l’émetteur, mais je ne comprends rien. Quelque chose crisse. La bouche ouverte en un cri silencieux, je m’accroupis, les mains sur les oreilles. Je ferme les yeux, m’enfermant seule avec ma terreur, pour m’enfoncer paisiblement vers le néant.
_ Crise d’angoisse et déréalisation. Cela peut arriver lorsque l’on vit un état de stress post-traumatique. Vous avez besoin de repos.

Retour à la fac. Les regards sont lourds, pesants. Je n’attire que pitié, une sollicitude vaine et abjecte. J’inspire, expire. Puis recommence. Re-recommence. Putain de techniques de self contrôle qui ne fonctionnent jamais. Argh ! J’ai rien à faire là, faut que je me tire. Vite. Et puis il y a ce bâtiment, juste là, ce lieu de tous les maux, de toutes les souffrances. Je n’y arriverai jamais, je suis trop faible. Comment ai-je pu croire que j’allais y arriver ?
_ Laura ?
Elle apparaît devant moi, comme naissant du vide. Mes yeux se fixent sur ce visage aimé. J’attrape son regard, m’y accroche de toutes mes forces. J’attrape son regard et ne le lâche pas. Elle me prend dans ses bras. Son étreinte me semble la chose la plus douce de toute mon existence. Elle est là, elle se tait, elle sait. Elle sait et n’a rien besoin de plus. Elle sait et comprend que j’ai simplement besoin d’elle. Elle sait, et peu importe qu’elle sache, ; elle est là, comme avant.
_ On y va, on va être en retard.
Je la regarde, émerveillée. Tout est simple. Comme avant. Alors, je souris faiblement.
_ Comme si, toi, t’en avais quelque chose à faire de la ponctualité !
_ Tu vas le garder ?
Le charme est brisé. Je m’en doutais. Fallait que la foutue question soit posée un jour.
_ Je ne sais pas. Ce bébé, je le hais. Je le hais parce qu’il est une trace que ce monstre a semée et laissé grandir en moi. Je le hais parce que c’est un garçon. Mais…
Mais quoi, après tout ? Je ne lui dois rien. Il m’a envahi pendant neuf mois, m’a volé de l’énergie, m’a assujettie.
_ Mais tu ne peux t’empêcher de l’aimer, n’est-ce pas ?
Je ne réponds pas. C’est inutile. Tout est dit.

Je le regarde si petit, si fragile dans son berceau. Lui aussi me regarde, méfiant. On se jauge l’un l’autre. Il semble ne pas savoir ce qu’il fait là. Moi non plus, je ne sais pas. Je reste là, un moment. Puis, sans que je m’y attende, le désir de le prendre dans mes bras me traverse. Je continue de le regarder, tétanisée. Les secondes s’égrènent. Le désir se mue peu à peu en besoin. Tremblante, je lui touche la tête. Je retiens mon souffle. Des mouvements désordonnés semblent répondre à mon geste. Je lui tends mon autre main, il se saisit de mes doigts. Nous faisons un moment connaissance. Puis, enfin, j’ose le prendre dans mes bras. D’abord inquiet, son besoin de tendresse et d’affection prend ensuite le dessus, et il se détend finalement dans mes bras. Une petite chose si douce, si fragile. Innocente.
Des larmes, un flot de larmes. Pourquoi le bonheur fait-il mal ?
Il est là, dans mes bras. Je comprends finalement que cette idée de fusion n’est pas que mièvrerie. Je suis mère, bordel. Je suis mère. Océan de terreur et de bonheur mêlés.

Je le regarde grandir. Chaque jour. Il semble avancer dans la vie sans vraiment la comprendre. Il ne sait rien de ce qu’il a traversé. Moi, je le sais. Sa seule présence m’a fait comprendre bien des choses. Il m’a offert une nouvelle raison de vivre. Les évènements sont là, inscrits au fer rouge dans ma mémoire. Mon cœur s’emballe d’épouvante au contact d’un homme. Mon corps m’est toujours comme étranger, lointain, pas vraiment mien. Je peine à être pleinement heureuse, il me faudra du temps. Mais je vis. Je vis pour lui offrir ce que l’on m’a volé. Je vis pour inscrire dans chacun de ses pores que la vie a un sens. Pour qu’il y croit, plus que moi, mieux que moi. Je vis pour qu’il ne devienne jamais ce monstre que son père a été.
_ Pourquoi ne m’as-tu jamais parlé de mon père ?
Regard fixe. Air figé. Extraction spatio-temporelle de mon corps. Puis, de nouveau :
_ Pourquoi ne m’as-tu jamais parlé de mon père ?
Mâchoires serrées.
_ J’ai le droit de savoir, maman. Je suis grand. Je veux savoir. C’est mon histoire. Tu ne peux m’en priver.
_ Ton père… je ne pense pas que ce soit une bonne chose pour toi de savoir ce qu’il en est.
_ Il est mort, c’est ça ?
_ …
_ Dis-moi la vérité.
_ C’est impossible.
_ Dis-moi la vérité, putain ! Ça fait quinze ans que j’en suis privé ! Quinze ans que mes potes me racontent les soirées passées avec leur père devant le foot, leur week-end père-fils, leur…
_ Ton père est en prison. Tu n’as pas besoin d’en savoir plus.
_ Dis-moi.
_ Tu n’as pas besoin d’en savoir plus, je te dis !
_ Dis-moi la vérité, putain !!!
En fureur, je la lui hurle, cette putain de vérité. Et cette fois-ci, c’est à son tour de se figer. Il est là, devant moi, mais si loin pourtant. Ses yeux sont vides. Tout devient sec, aride. Et je me rends compte avec horreur de l’immense bourde que je viens de commettre.

Huit mois plus tard, il est toujours absent. Il me présente sa petite-amie. Rien ne vibre chez lui. Aucune affection, aucune magie, aucun amour. Il la dédaigne, la méprise. Elle baisse la tête, subit. Ses yeux pleins de larmes contenues. Mais elle reste. Stupidement, elle reste à ses côtés. Puis, le jour vient où je la vois venir, joues creuses, œil noir. Je comprends. Elle s’effondre dans mes bras. Je regarde ce corps décharné que je tiens dans mes bras. Ce réceptacle d’une violence sans borne. Je suis vide, complètement vide. Je ne sais que trop bien ce qu’elle peut ressentir. La violence serait-elle héréditaire ?
J’ai failli à ma tâche.
_ Pourquoi tu me regardes comme ça ?
_ Je sais tout. Tu es en train de la détruire. Elle t’aime. Pourquoi lui imposes-tu cela ?
_ Fous-moi la paix !
_ Non. Non, je ne te foutrai pas la paix. Non, je ne te laisserai pas devenir cet homme.
_ C’est trop tard, et tu le sais bien ! Je suis comme lui désormais. Je suis pourri, violent, cruel, égoïste et manipulateur. C’est trop tard maintenant. Tu ne peux plus rien faire.

Psychiatre, psychologue, sophrologue et j’en passe… Les rendez-vous s’enchaînent. On me parle de traitements, de thérapies. Individuelles, groupales. Qu’importe le coût, qu’importe le temps, j’accepte tout. Sans vraiment réfléchir, sans vraiment comprendre, sans vraiment y croire. Je baigne au quotidien dans un champ de terreur que je ne ressens plus.
Les mois passent. Tout est sombre. Il ne me parle plus.
Puis, le miracle.
_ Maman, j’ai rencontré quelqu’un.
Je ne sais que répondre. Un imbroglio de joie, d’inquiétude, de terreur contenue.
_ Maman, j’ai rencontré quelqu’un, et j’ai peur. J’ai peur d’être comme mon père. J’ai peur de lui faire du mal. C’est un homme, plus âgé, plus solide. Mais malgré tout… Je sais que je suis capable de tout détruire autour de moi. D’extraire tout élan vital des personnes qui m’entourent. Regarde ce que je t’ai fait subir ces derniers mois. Je vois bien que tu n’es plus que l’ombre de toi-même. Et pourtant, je ne parviens pas à changer réellement. Je ne suis pas sûr d’y arriver un jour. J’ai peur que cette violence que j’ai pu ressentir au fond de moi ne finisse par s’extraire, déborder, et me faire devenir un monstre. Je suis tellement terrifié que je me dis parfois que je préférerais disparaître. Pour ne plus faire de mal autour de moi. Je ne suis pas digne d’amour. Je ne mérite pas ton amour, comme je ne mérite pas le sien, à lui.
Il se fige, terrorisé, et attend ma réponse. Un soulagement inouï déferle sur mon être. Je pleure de bonheur. Je pleure la survenue de cette angoisse salvatrice. La vie me prouve une nouvelle fois que des heures les plus sombres peut émerger un espoir, espoir qu’il nous faut cultiver avec amour et patience pour le voir croître et se répandre définitivement dans notre réalité.
_ Il fut un temps où je me suis inquiétée, c’est vrai. Mais tu viens de m’offrir en quelques mots la plus belle certitude. Il n’arrivera rien, mon chéri. Il n’arrivera rien, parce que tu sais. Tu sais qu’il est si facile de choisir la violence. Et tu sais à quel point c’est dangereux. Destructeur de toi-même plus encore que des autres. Je t’aime, et tu en es digne. Chacun a une part sombre au fond de lui. Et je pense que seul celui qui en a pleinement conscience peut prétendre la contrôler. J’ai complètement foi en toi. Tu peux te laisser aller à cet amour, tu le mérites. Tu as le droit d’être heureux. Parce que tu n’es pas ton géniteur. Tu ne le seras jamais.

Je le prends dans mes bras. Assis sur le canapé, serrés l’un contre l’autre, nous restons là. Dans une douce douleur. Douce car prédictive d’un bonheur que je sais être proche. Il s’endort bientôt, sa tête reposant sur mes genoux. Mes yeux se déposent sur le journal. Des mots fléchés. Cela fait si longtemps… Je lis une première case et ris de l’à-propos : « en huit lettres, dépasser l’adversité ». La réponse me vient, immédiate : « survivre ».

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