Salut, c’est Arty – Laszlo Lunion

Salut, c’est Arty. J’ai 21 ans et me suis promis le bonheur. Je n’ai jamais eu grand-chose pour moi. Pas de muscles bien huilés, de mémoire implacable, d’inventivité géniale ou superpouvoirs cachés. Je n’ai rien de tout cela. Alors, je suis toujours resté seul avec moi-même.

Quand j’étais enfant, on me désignait simplement comme le rêveur dans sa bulle. Qualificatif générique utilisé pour homologuer les excentriques, qu’ils soient de réels hypersensibles ou de purs affabulateurs. Les adultes, ça leur allait bien. Cependant en grandissant, les formules fétiches de ma mère ont dérivé. Les bienveillants : « Il a l’âme libre du poète et le silence du sage » sont devenus de railleurs : « À toujours être coincé dans ta petite tête, Arty, tu finiras claustrophobe », pour finir en vains : « La flemme, ça n’est pas une philosophie ni un gagne-pain. Va descendre les poubelles maintenant. »

Au fur et à mesure, tous ses espoirs se sont émoussés dans les ténèbres et le silence assommant des dîners interminables. Je nous revois encore tous deux à table, face à face, lumière éteinte, avec pour musique d’ambiance la radio dont l’antenne cassée ne parvenait qu’à cracher un grésillement par intermittence. Devant moi, toujours cette même expression neutre affectée où un sourire fugace se dessinait lorsqu’elle croisait mon regard. Quand j’avais fini, je la laissais seule. Elle restait là pendant des heures à fixer le vide.

Puis, je l’ai vue vieillir. Il me semble que l’on vieillit plus vite quand on est triste. Moi, comme toujours, ça ne m’a rien fait. Ça ne me fait jamais rien. Pas plus que lorsque Félix est mort. Ce jour-là, non plus, je n’ai rien ressenti.

Félix, c’était mon chien, un border collie. Mes parents l’avaient acheté pour ma naissance. Au moment de sa mort, nous habitions toujours la campagne. Je n’avais pas l’habitude de jouer avec lui, mais pour une fois, j’avais sorti le frisbee. Lors d’un lancer, j’y suis allé si fort que le frisbee a dépassé la clôture pour retomber sur la route. Félix s’est élancé… une voiture l’a fauché. J’avais 9 ans. Félix aussi avait 9 ans. J’ai contemplé son corps inerte tandis que les dernières clameurs du moteur de la voiture fautive s’étouffaient dans le lointain. Puis, je suis rentré le notifier à ma mère. Nous avons déménagé peu après ces évènements.

La femme qui m’avait donné la vie a cru bon de m’emmener chez une psychologue. Selon elle, cette histoire m’avait chamboulé.

Au jour dit, nous sommes arrivés dans un petit appartement à l’odeur entêtante. Autour de nous, tout était surchargé de livres, de mobiles suspendus, de bâtons de pluie égarés, de tables basses à la forme abstraite ainsi que de plantes de toutes tailles, formes et couleurs, dont certaines étaient fausses et ne participaient qu’à mieux encombrer l’endroit.

Une dame à la voix mielleuse nous a fait asseoir afin de me poser plusieurs questions. À un moment donné, elle s’est enquise de ce dont je rêvais la nuit. Hébété, je lui ai demandé ce que cela voulait dire rêver. Ce à quoi elle m’a répondu que c’était ces petites images fabuleuses qui dansaient devant mes yeux quand je dormais.

Il y a eu un silence, à la suite duquel il m’a fallu expliquer simplement que je n’avais jamais rêvé de quoi que ce soit. Elle m’a souri, un peu gênée, et a déclaré :

– Si tu ne rêves pas quand tu dors, alors fais en sorte de goûter à tes rêves dans la réalité. Rares sont ceux qui rêvent éveillés.

J’ai vu ma mère sourire à son tour. Moi, je n’ai pas compris.

Le soir, dans mon lit, j’ai entendu des sanglots dans la cuisine. Je ne suis pas retourné chez la psychologue.

Ce n’est qu’au collège que je me suis dit qu’il y avait peut-être quelque chose de différent chez moi. Une fois, le professeur de français nous a enjoint de rédiger un court texte sur ce qui nous rendait heureux. Je me suis appliqué à détailler comment rien en ce monde ne m’avait jamais apporté une once de plaisir.

Pour nous seconder dans ce devoir, M. Bringuier nous avait distribué une liste de conseils parmi lesquels figurait une incitation à évoquer un épisode de rire mémorable. Je n’étais pas très inspiré, mais j’ai tout de même cité la fois où j’avais vu la petite Clarisse se casser le bras dans le grand toboggan du square. Mon exemple n’a pas été très apprécié. Pour ce travail dûment réalisé, j’ai été gratifié d’une retenue. J’ai toujours trouvé cela injuste car Martin, en quelques pauvres lignes griffonnées sur une page d’agenda, avait été félicité par M. Bringuier.

Cet évènement m’a beaucoup questionné à cause de son injustice et de ses implications. Quelle pouvait être la raison d’une telle différence de traitement ? Je me suis rendu compte par la suite que mes camarades avaient déjà tous été « heureux ». Je pensais que c’était l’une de ces choses que les adultes faisaient croire aux enfants.

On croit au bonheur ou à l’amour comme à la petite souris ou au père Noël, n’est-ce pas ?

Comment aurais-je pu savoir que ce n’était pas normal de ne pas crier d’excitation à l’ouverture d’un présent ou de ne pas avoir le visage qui s’illumine au retour d’un proche ? Je vois bien que les autres vivent cela. Je le prenais pour un effort de politesse. Moi, je ne le vis pas. Serait-ce à ce point impoli ?

J’ai donc entrepris de passer en revue mes souvenirs à la recherche de ce que l’on appelle les émotions, en commençant par tout ce qui aurait pu être positif dans mon passé. Pour ce faire, j’ai ressorti le vieux journal intime que mon accoucheuse m’avait donné, en me chuchotant à l’oreille : « Tiens, mon ange, c’est pour toi. Comme ça tu pourras mettre tout plein de mots et de dessins sur les tourbillons dans ta tête. »

La relecture du journal ne m’a pas vraiment avancé. Toutefois, j’ai appris une chose. Ou plutôt je me suis souvenu d’une phrase que ma mère répétait de temps en temps au téléphone avec sa propre mère quand elle pensait que je n’entendais pas : « Il était pourtant si souriant quand il était petit… »

Ainsi, avais-je été en position de tout bien faire comme les autres par le passé. Mieux, j’y étais prédestiné. Où était-il parti, ce sourire ? Me l’avait-on ravi ? Ressortant bredouille de mon enquête sur ce qu’avait été positif dans mon existence, je me suis intéressé au négatif. Enfin, je dis cela, mais la différence me paraît ténue.

Après moultes réflexions, mes pensées se sont arrêtées sur un évènement en particulier. En réalité, il s’agirait d’une période négative, plus que d’un simple évènement négatif. Je l’ai retenue car je n’ai pas réussi à la classer dans mon esprit. Je ne me souviens pas avoir expérimenté un quelconque émoi, je me rappelle bien cependant m’être opposé à cette situation. Et pour que je me sois opposé à celle-ci, il faut bien qu’il y ait eu une raison…

Reprenons, donc. Si je n’ai pas encore évoqué mon procréateur, c’est pour la simple et bonne raison qu’il s’en est allé. C’est arrivé à peu près en même temps que la mort du chien. Ça ne doit pas être si important que ça, un père, puisqu’alors je n’étais pas allé chez la psychologue. En tout cas, il faut croire que ma mère pensait que le décès d’un chien « chamboulait » plus que l’abandon d’un géniteur. Je sais que c’était un abandon parce que c’est ce qu’elle m’a dit quand il est parti. Elle avait pleuré la mort de Félix, pourtant là, et par la suite, ses yeux n’ont pas coulé, pas même rougi. Les miens non plus d’ailleurs.

Enfin, ceci est futile et je divague. L’absence de mon père ne correspond pas à cette « période négative » sur laquelle j’ai porté mon attention. Au contraire, ce que j’évoque s’est déroulé sur les années précédant son départ.

Du plus loin que je me souvienne et jusqu’à la fin, il était coutume que nous allions pêcher tous les samedis matin, Philippe et moi. Il disait que c’était une activité entre « un papa et son fils » et que par conséquent, Maman ne devait pas être mise au courant. Dans la vieille Toyota Corolla de 98, nous montions à l’avant tandis que le sac contenant les lignes, faute de place, se retrouvait en travers sur la banquette arrière.

Philippe garait la voiture près d’une forêt. Avant de descendre, il me plaçait une vieille écharpe Simson devant les yeux. Une fois sur place, il fallait jouer à son jeu. Jeu dont les règles m’étaient répétées religieusement à chaque fois et que je connaissais par cœur, de fait.

J’avais la stricte interdiction d’essayer de m’enfuir ou de crier sous peine de perdre. La première étape consistait à me retirer le bandeau. Debout devant moi, il me transperçait des yeux en m’intimant de soutenir son regard. Il ouvrait ensuite la boucle de sa ceinture et abaissait son pantalon sur ses chevilles. Enfin, Philippe me privait de nouveau de la vue avec ce même bout de tissu et c’était à mon tour de sentir le vent caresser mes jambes.

J’étais collé contre un arbre et lui s’appliquait consciencieusement à remplir l’entièreté de mon être.

L’écorce crevassée du chêne me griffait le ventre et le visage à chaque secousse. Une voix à l’intonation sans équivoque emplissait bientôt l’air. Un râle. Presque imperceptible, et pourtant omniprésent. Résonnant au sein de mon thorax, bourdonnant à mes oreilles et explosant dans ma tête comme un million de grelots. Encore un déchirement de l’air et de la chair… Victoire ! Hourras, bravos et lauriers pour tous. Tout était fini. Les cannes pouvaient être plantées ; les brillants hameçons sifflaient en s’élançant à travers l’air et rebondissaient au milieu de l’écume frémissante des rapides.

J’ai osé dire un jour que je ne voulais plus jouer. Je ne savais pas qu’il était possible d’être à ce point hors de soi. Philippe hurlait que j’étais un mauvais perdant, un vilain garçon et que tout ce qu’il faisait, il le faisait pour moi.

Ce jour-là, nous jouâmes longuement. Personne n’a jamais rien su. Si un seul élément étrange se détache de tout cela, c’est que ce souvenir me soit venu au moment où je sondais le négatif dans mon passé. C’était un jeu pour mon père. Il devait donc très certainement y trouver quelque chose de positif, comme du plaisir ou de la joie. Pourquoi pas moi ? Pourquoi donc n’avais-je pas le droit de vivre heureux comme les autres ? J’ai écrit plus tôt que je m’étais promis le bonheur. C’est à cette époque que j’ai prêté serment. J’étais décidé à découvrir la joie, quoi que cela puisse signifier. C’est d’ailleurs la seule et unique raison qui m’a poussé à agir comme je l’ai fait jusqu’à aujourd’hui : découvrir la définition du verbe ressentir.

On pourrait dire que c’était ça mon rêve à moi.

J’ai beau ne rien éprouver, je retiens étonnamment bien tout ce qui est dit au sujet des sentiments. Ainsi, j’ai vite conçu l’énormité de la tâche. Trouver le bonheur. Quête universelle d’un idéal privé. Singularité de l’existence. Point de fuite insondable ne souffrant pas la comparaison. État curieux à la présence indétectable et dont l’absence seule révèle la trace.

Je désertais toute contemplation intellectuelle stérile. N’en déplaise à ma mère, je ne suis ni poète ni philosophe. Il me fallait du concret. Après tout, « trouver » a toujours été un verbe d’action. Dès lors que l’on « trouve » quelque chose, on le possède. Ma première démarche fut donc d’entreprendre la collecte de tout objet à l’intérieur duquel cette satanée félicité aurait pu s’être infiltrée.

Me voilà parti. Je n’eus pas le temps de me questionner sur ma destination que déjà mes pas me guidaient instinctivement en direction de la cave. En farfouillant au milieu de son bric-à-brac, je suis tombé par hasard sur la vieille housse à canne à pêche de laquelle j’ai extrait un morceau d’écorce de chêne. C’est la seule chose que j’ai rapportée.

Je pris soin d’entreposer mon trésor en évidence sur un piédestal de fortune : un simple mouchoir de papier.

Je l’ai examiné pendant des heures, sous toutes ses coutures. J’ai appris à me familiariser avec sa présence. Sa vue, d’abord, se découpant sur le mouchoir, presque abrasive. Son toucher, ensuite. Texturé, sensuel, souple, familier. Sa subtile odeur musquée, élégamment anoblie par les années. Son goût, enfin, filtrat enivrant d’un élixir de jouvence.

Plus je pénétrais ses secrets, moins j’avais l’impression qu’il contenait de bonheur. C’est pourquoi je me résolus à pousser plus avant mon périple.

Se sont ainsi très vite entassés feuilles mortes, billets de bus, bouchons, piles, grains de riz et autres détritus… Je restais de marbre. La gratuité rendait l’équation insolvable. Dès lors, les bonbons, peluches, livres, babioles et collectionnables en tout genre ont également abondé. Là, encore, la satisfaction continuait de se refuser à moi et chaque nouveau larcin m’apportait moins de contentement que le précédent.

Dans ma mauvaise fortune, une idée neuve m’est venue. Certes, j’étais incapable de déceler le bonheur dans ce que je volais, mais les autres le pouvaient, eux. Chacun se vante de posséder ceci ou cela. Il ne tenait qu’à moi de subtiliser ce en quoi un éclat de joie prenait racine.

C’est ainsi que j’enrichis ma collection de ballons, de skates, de téléphones, de vélos, et même de voitures. Je ne me préoccupais plus de me cacher de ma génitrice qui me laissait faire, égale à elle-même dans son mutisme. Mais à chaque fois, la joie se dérobait et la récurrence de mes déconvenues m’encouragea à me surpasser. Je ne parvenais pas à emprisonner le bonheur dans un menu objet ? Qu’il en soit ainsi. Je ferais miens les concepts assimilables au contentement.

J’ai dérobé la santé en tabassant par surprise des inconnus par dizaines, cambriolé l’espoir en brûlant et saccageant tracteurs, bâtisses, cimetières. Rien à faire. Jamais ma fréquence cardiaque n’esquissait l’ombre d’un tressautement.

J’avais 20 ans à présent et mon errance se prolongeait depuis bientôt une décennie. La solution pour outrepasser cette impasse mit longtemps à s’esquisser. Elle n’est pas venue de moi, mais d’une fille. M’ayant pris à part dans le coin d’un bar minable, elle avoua m’apprécier. Je l’ai laissé faire. Peut-être la réponse au bonheur se nichait-elle dans l’amour…

De nouveau, les discussions unilatérales, balades interminables et mains tenues ne collaient pas. Pas plus que le premier bisou sous les nuages. Elle faisait l’éloge de mon silence et de ma simplicité, qu’elle qualifiait de passagers. Elle riait souvent, avec cette lèvre supérieure retroussée, propre aux émotions sincères.

Trois mois ont passé.

Elle décréta un jour que c’était à mon tour de décider du programme.

– Choisis quelque chose qui nous plairait à tous deux. Toi comme moi, toi avec moi, déclara-t-elle avant de me laisser planté là.

J’ai regardé alentour, hagard. Le bleu du ciel se faisait profond. J’ai tressailli. Il m’avait semblé percevoir d’un coup se débloquer en moi quelque chose. Cette fille, presque inconnue… elle éprouvait un sentiment intense, grâce à moi.

Le souvenir de sa main effleurant mon cou s’est changé en picotement, puis en décharge électrique. Son absence était un supplice. Mon cœur s’est emballé. Un flot d’idées, d’images, de mots mêlés s’est abattu sur moi. Je ne voyais guère plus. Noyé que j’étais, il me paraissait cependant être plus libre que jamais auparavant.

C’était donc ça une émotion ?

Faites que cela durât toujours !

Moi qui me croyais condamné, je n’en revenais pas. Toutes ces années d’attente léthargique s’envolèrent en un instant. Je touchais enfin au but. J’expirai lentement. Le calme et le silence s’en revinrent autour de moi, mais pour la première fois de ma vie, je savourais la quiétude qu’ils traînaient dans leur sillage. C’était… paisible.

Elle vint me rejoindre le lendemain, spécialement apprêtée pour l’occasion. Nous n’avons pas parlé de peur que nos mots ne brisent l’atmosphère. Nous sommes partis en voiture. Je me suis garé, lui ai ouvert la portière. Toujours sans rien dire, je lui ai pris la main, elle m’a répondu en la serrant, fort. Je me suis mis à marcher. Elle m’a suivi, docile. Le sol crissait sous nos pas. Nous aurions pu aller au bout du monde comme cela, à travers la forêt de chênes centenaires. Nous étions arrivés. J’ai énoncé les règles. J’avais pris soin de lui bander les yeux avec mon écharpe Simson. Mon regard flamboyant a plongé dans le sien. Mes paupières menaçaient de céder sous la pression de mes globes oculaires. Elle n’a pas bronché. Les préparatifs étaient finis. Le jeu pouvait commencer. Il y avait une tâche à abattre, je me suis exécuté.

Je l’ai poussée vers le tronc le plus proche. Peut-être a-t-elle gémi. Peut-être, plus tard, s’est-elle époumonée. Je ne l’entendais pas. Mon attention était portée sur le râle. Ressorti d’entre les âges, conforme à mon souvenir. Cependant, cette fois, c’était de moi qu’il émanait, guttural, grisant. Du sang chaud irradiait mes artères : l’allégresse. Mon esprit s’échappait de mon corps. J’avais gagné. Je flottais dans un ciel sans nuages.

Je ne sais pas ce qu’il est advenu de la perdante. Je ne l’ai pas revue. Je ne me rappelle même pas son nom. Au moment où je suis redescendu des cieux et où mes pieds ont touché terre, les cannes à pêche étaient en place et les premiers poissons frétillèrent bientôt dans le panier. Alors, je me suis laissé aller sur la petite chaise pliable, choyé par la brise environnante.

Aussi culminante qu’avait pu être l’ascension, la chute n’en fut que plus brutale. Une soupe épaisse avait remplacé mon cerveau. J’avais goûté au nirvana. Plus que cela, je l’avais possédé. J’avais eu beau m’y cramponner… rien à faire. Il s’estompait un peu plus à chaque souffle. Bonheur. Tu n’es pas un bien qui se laisse facilement attraper. Au contraire, tu fais voler ta cage en éclats à la moindre faille.

J’ai fini par rentrer, et je suis descendu à la cave.

Chaque objet était à sa place, bien rangé. J’ai considéré ma galerie de trophées, me demandant lequel je retiendrais s’il fallait que j’en choisisse un qui n’eût jamais contenu la joie.

Et là, debout au milieu de mon monde, je suis entré en transe. Le visage placide, les yeux vitreux. L’envie de rédiger m’a pris. Le temps était venu pour l’ange que je n’avais jamais été de renouer avec les tourbillons dans sa tête. Mon vieux journal intime a repris du service pour recueillir les acrobaties de ma plume. Cette dernière s’est laissé guider dans une danse frénétique. Un ballet de pantins et de chiffons. Je la sentais agoniser. Pianiste amputé au milieu de l’orchestre. Ses forces s’amenuisaient à chaque nouvelle échappée. Ultime requiem.

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Extrait de journal intime. Unique pièce à conviction dans l’affaire Arty Vincent.

Les charges retenues contre l’accusé ont été levées suite à sa défenestration (6e étage). La perquisition à son domicile n’a pas permis de retrouver la trace des objets volés ni d’obtenir des indices sur cette affaire, si ce n’est un morceau d’écorce de chêne soigneusement préservé.

Après lecture et approbation, le présent rapport d’instruction est signé par Mme Juliette LEFEVRE, juge d’instruction et M Arnaud MENARD, greffier.

Affaire classée.

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