Toute la journée une pluie glaciale avait rincé les trottoirs de la ville. Puis le vent s’était mis à chahuter les parapluies, consignant les derniers promeneurs dans leurs appartements. Temps maussade pour la galerie Richaulme qui vivotait en attendant les beaux jours. Il faut dire qu’elle expose des œuvres difficiles. Les séduisants polychromes de Bontempoint, placés en vitrine pour éblouir le chaland n’étaient qu’un appât. Une fois passé le seuil, on avait le sentiment de pénétrer dans un chantier ou magasin en cours de rénovation. Puis au moment de tourner les talons en s’excusant de déranger on se trouvait face à face avec un petit homme affable, Mathias Richaulme lui-même.
On ne peut que l’écouter, tant il déploie de grâce et de savoir vivre. Comme par magie, il transforme l’écheveau de ficelle à paquet clouée au mur en une œuvre de Sampieri dans sa période arte povera, un empilement de boîtes de conserves rouillées devient l’armure de Roland le Furieux ressuscitée par Ambott, un amas de vieilles planches la dernière provocation de Mandingo, et les deux caisses empilées au fond de la boutique une des rares productions de Blasco. Richaulme n’était pas peu fier d’avoir réussi à obtenir en dépôt ces deux œuvres d’un artiste étrange, inclassable, et surtout peu prolixe.
En ces jours maigres, la galerie Richaulme n’avait eu que deux visiteurs. Le facteur avait déposé deux lettres, un magazine et une réclame sur le comptoir en expirant un — bonjour — qui semblait se frayer un passage difficile entre ses lèvres engourdies. Le deuxième et dernier visiteur s’appelait Archibald Maniachis.
Il fit couiner la petite porte de verre en fin d’après-midi, entra en saluant de la tête et lança un lent regard circulaire sur les œuvres exposées. C’était la première fois que Maniachis en personne faisait honneur à sa modeste galerie, mais Richaulme le reconnut sans hésiter. Certains visages affichent un trait particulier, un point de vue remarquable, un amer qui les fait reconnaître immédiatement même à distance, en faisant le bonheur des caricaturistes. D’autres n’expriment l’identité de leur propriétaire que par la juxtaposition d’innombrables petites touches, mais dans une combinaison unique qui leur donne une signature inimitable dans notre mémoire des visages. Le visage de Maniachis est de ceux-là.
Cette particularité physique, jointe à un goût modéré pour les mondanités lui ont permis de rester un quasi inconnu, hors du petit monde des collectionneurs fortunés et amateurs d’art bien informés. Petit monde dans lequel on ne connaît d’ailleurs souvent rien de plus que son nom. Et la légende qui lui donne son étrange coloris. On chuchote qu’il s’est constitué une collection aussi mystérieuse que fabuleuse. On voit son ombre se dessiner derrière tout acheteur anonyme faisant disparaître du marché de l’art une pièce convoitée. Archibald Maniachis n’a jamais rien fait pour contredire ces fables. Décourageant les biographes par son silence, il épuise aussi la rumeur par son indifférence.
Dans la revue Art & Tendance, on avait pu lire un petit article fielleux d’un quart de page. Il y était prétendu que Maniachis avait, dans sa jeunesse, taquiné le pinceau, et barbouillé sans succès quelques toiles. La revue avait même retrouvé une photo charbonneuse, où il fallait beaucoup d’imagination pour identifier l’élégant Archibald Maniachis dans l’un de ces inconnus mal fagotés, plantés comme des cyprès rabougris dans un hall d’exposition. Sur un calicot drapé à la diable au-dessus de leurs têtes on lisait : « Association la Palette grimontoise – entrée libre ». Cette information ridicule n’avait pas convaincu grand monde. Elle est pourtant parfaitement exacte.
C’est d’ailleurs la seule chose parfaitement exacte de la légende qui entoure Maniachis, une des rares clés forgées pour ouvrir les multiples verrous de la forteresse mentale qu’il s’est construite. Oui, il avait bien été, quand il était encore étudiant, ce peintre amateur furtif et laborieux. Mais son adhésion à la Palette grimontoise n’avait duré qu’un an, peut être deux, je ne me souviens plus. Soucieux de rattraper d’impalpables et lointaines « avant-gardes », il se voyait avec effroi en peintre du dimanche institutionnel, faisant la cour à l’adjoint à la culture de Grimont-sur-Lamech pour négocier le prêt d’une salle communale.
À une époque, il s’était rapproché d’un groupe d’artiste se disant « situationniste ». C’est moi qui place ici des guillemets. Car ce groupuscule n’a jamais eu l’aval de l’Internationale du même nom, qui l’aurait sans doute plutôt excommunié si elle en avait seulement entendu parler.
Il faut essayer d’imaginer les désillusions, les demi-échecs qui n’aboutissaient jamais à des demi-réussites, les ambitions blessées, les impasses d’un artiste raté pour tenter de comprendre quel collectionneur était réellement le talentueux homme d’affaires. Maniachis avait en fait décidé d’acheter ce qu’il ne pouvait pas créer. Patiemment, il avait commencé d’accumuler tout ce qu’il aurait aimé faire lui-même, menant une vie d’artiste par procuration, en actionnaire majoritaire d’un immense consortium de productions artistiques, composé de multiples ateliers réalisant son œuvre.
Maniachis n’expose jamais ses acquisitions. C’est d’ailleurs ce qui rend crédibles les rumeurs les plus extravagantes sur sa collection. À cette époque, il entreposait, ses trésors dans une enfilade de caves, en béton nu, qui formaient le socle de sa villa. Seuls ses employés de maison avaient le privilège d’en passer la porte, uniquement pour y chasser périodiquement la poussière.
Au fond, tout le monde se trompe. Maniachis n’est ni un collectionneur, ni un investisseur. Il se voit lui-même comme un démiurge forgeant une œuvre totale. N’est-il pas, d’ailleurs, un authentique artiste, lui dont la vie entière se confond avec un sacrifice à l’art. — L’art, c’est la vie — comme il se plaît à le dire. Et il pratique sa collecte comme une paraphrase de ce lieu commun. Seulement voilà. Au lieu de tenter de mettre en scène une ultime » mort de l’art « , en forme de longue agonie, Maniachis lui construisait alors un tombeau.
Un tombeau, certes, mais un tombeau réellement pharaonique, un entassement de trésors, d’objets rituels, de signes artistiques. Tourmenté par la perpétuelle inquiétude de rater l’essentiel, Maniachis hantait donc depuis de nombreuses années les galeries d’art et les foires internationales dans l’espoir de reconstituer un jour le puzzle de l’artiste qu’il aurait dû être.
Il y a, pourtant, quelque chose de déroutant dans le choix des œuvres qu’il accumule. On y retrouve, en effet, multiplié à l’infini comme dans une chambre des miroirs, le reflet de ses premières velléités picturales, une certaine incertitude de goût et de critères, un bariolage strident d’objectifs contradictoires.
Tout cela, Richaulme n’en savait rien, bien sûr. Il ne connaissait de Maniachis que les facettes de sa légende. Il le jaugeait d’abord en professionnel. Maniachis n’était évidemment pas un client à brusquer. Il fallait le laisser aller, le laisser venir.
Quand Maniachis se figea devant les deux caisses de Blasco, Richaulme sentit le moment favorable. — Je viens de les faire entrer, dit-il, rompant enfin le silence.
Blasco est loin d’être une star des arts plastiques. Je suis sûr que vous-mêmes vous n’en avez jamais entendu parler. Artiste confidentiel, il jouit de la notoriété particulière qui auréole ces créateurs peu féconds, dont la production confine au mythe. Quasi absent des musées, des FRAC, des foires et des galeries, l’œuvre de Blasco est moins un œuvre qu’une rumeur d’œuvre.
À tel point que Maniachis n’avait jamais rien vu de cet artiste. Que savait-il même sur lui ? Pas grand-chose, ayant manqué sa seule grande exposition dans un espace public. Il n’était pas le seul. Sobrement, ou vaniteusement, intituléeBlasco n°7, cette exposition, aujourd’hui devenue mythique, était d’abord passée inaperçue. Avait-elle même eu lieu ? Pas moyen de mettre la main sur un article contemporain de l’événement. Les seuls échos, même dans la presse spécialisée, sont bien postérieurs à l’événement. Voici ce que l’on en disait. Apparemment, le visiteur entrait dans une salle absolument vide. Je vous entends me dire. – Ah la bonne blague, c’est un coup que nous a déjà fait Yves Klein. Votre Blasco n’est qu’un suiveur. Non. Car loin d’être entièrement vide, la grande salle du Palais du Commerce — ou du salon de Flore dans certaines versions — était, au contraire, entièrement pleine. Blasco avait scrupuleusement recréé un double, un double exact de la salle d’exposition. Couleur, matière, corrosion, taches, meurtrissures, repeints, tout était identique à l’original. À un détail près, imperceptible pour le visiteur. Pour des raisons évidentes, la copie devait être légèrement plus petite que l’original. Mais, là encore, il s’agit d’une pure déduction logique. Personne n’a jamais mesuré
Blasco n°7.
Certains artistes traversent leur époque comme des météores, brillant dans quelques expos avant de tomber dans le démodé, puis dans l’oubli. Blasco, lui, ressemble plutôt à un soleil éteint, rayonnant du fin fond de l’espace. Quand sa lumière nous parvient, il n’est déjà plus là. On ne parle jamais de lui qu’en différé. Un jour, il disparut. Mais, là encore, on ne s’en aperçut qu’après. Était-il mort ? S’était-il retiré ? Avait-il renoncé à l’art ?
Aussi, Maniachis ne s’attendait à rien, ou à tout, lorsqu’il vit pour la première fois deux œuvres de Blasco. Il découvrit deux caisses ordinaires en bois brut, posées à hauteur d’homme, chacune sur une table. L’artiste avait peint son nom au pochoir, suivi d’un numéro, sur leur flanc velu : Blasco n°10 sur l’une ; Blasco n°12 sur l’autre. Elles étaient percées de trous ovales, ou circulaires, apparemment disposés au hasard. On remarquait aisément que tous les trous n’avaient pas le même diamètre. Certains étaient des cercles parfaits, d’autres plus allongés, ou de forme complexe.
Richaulme s’était approché sur ses pattes de velours.
— Ce sont des sculptures tactiles, dit-il avec onctuosité. Il faut passer la main à l’intérieur. Les petits trous sont pour les doigts, pour chaque doigt séparément, ou bien pour deux, trois… Par les gros vous passez toute la main, ou encore l’avant-bras. Allez-y, essayez…
Il lui fit découvrir, au dos de la caisse, un large ovale qui plongeait en diagonale dans les profondeurs de la caisse. Ayant engagé la main dans ce trou, avec un petit hérissement d’appréhension, Maniachis, avait palpé une forme légèrement rugueuse. Il avait fini par discerner comme des stries. Puis, en effectuant une rotation du poignet pour s’extraire de la caisse, il avait découvert qu’à chaque fois qu’il tournait légèrement la main, sa peau lui renvoyait une irisation de sensations nouvelles, des reliefs subtils, de mystérieuses textures. Instinctivement, d’abord, il ferma les yeux pour établir mentalement une sorte de relevé de la forme qu’il caressait à l’intérieur de la caisse. Puis il les ouvrit en grand pour observer la carapace de l’objet. Il s’aperçut alors que, de quelque façon que l’on s’y prît, il était impossible de voir le contenu de la caisse.
— Comme j’aurais aimé avoir créé cela, se dit Maniachis. Et il acheta aussitôt les deux caisses.
Un hiver et deux étés plus tard, Maniachis prenait le frais sur sa terrasse, observant, comme il en avait pris l’habitude, le soleil ocrer l’horizon de son parc de deux cents hectares quand la sonnerie d’un téléphone cellulaire le tira de sa rêverie. C’était Richaulme.
— Bonjour Monsieur Maniachis. Je voulais juste vous avertir que j’ai fait entrer une autre œuvre de Blasco. C’est, même, je crois sa dernière œuvre connue. Voulez-vous que je vous la réserve?
— Attendez j’arrive, jeta Maniachis, dans un souffle.
Il sauta dans le premier avion et déboula dans la galerie. Il reconnut tout de suite, posée sans cérémonie sur une table, la caisse en bois. Elle portait la mention : Blasco n°15. Mais il remarqua tout de suite une particularité : la caisse ne possédait apparemment aucun trou. Le galeriste lui serra chaleureusement la main.
— Je devine votre question. Comment toucher ce qu’elle contient ? Justement, c’est impossible… À moins de détruire la caisse… et je crois bien que cette œuvre a été conçue ainsi.
— Je vous la prends.
Lorsqu’il descendait une nouvelle acquisition dans son musée secret, Archibald Maniachis la posait, généralement à même le sol. Puis il la contemplait une dizaine de minutes. C’était la dernière fois qu’il la regardait vraiment. Désormais, il ne ferait plus que l’entrevoir, comme ça, en passant, lorsqu’il aurait l’occasion de redescendre dans ses caves avec un nouvel achat. Maniachis se refuse à la délectation, il est un homme d’action, un créateur.
Il ne savait pas encore que l’arrivée de la dernière œuvre de Constantin Blasco dans son univers souterrain allait bouleverser sa vie. La caisse avait été déposée à même le sol. Mais, avant de remonter, Maniachis l’avait embrassée d’un regard un tout petit peu plus appuyé que d’habitude. Le lendemain, une pensée l’obséda. Il se demandait si, par mégarde, il n’avait pas obstrué une bouche d’aération en posant la caisse. Il ne se rappelait pas avoir vérifié, et cela le troublait. Pour en avoir le cœur net, il redescendit le soir même dans sa collection. L’alarme était sans fondement. Toutefois, après réflexion, Maniachis jugea que sa nouvelle acquisition ferait meilleure figure au milieu de la salle, et il la déplaça.
À cet instant précis, il venait d’écorner, sans s’en apercevoir, deux principes qu’il croyait immuables : il était redescendu pour revoir une œuvre achetée, il l’avait déplacée en appliquant un critère esthétique.
Il prit l’habitude d’aller rendre visite à la caisse aveugle de Blasco. Très espacées les trois premiers mois, les descentes dans la cave se multiplièrent. Maniachis devenait taciturne et irritable. Ce qui ne manquait pas d’inquiéter son entourage, c’est-à-dire ses trois domestiques. En particulier Slobodan, un jeune homme élancé, au visage anguleux comme une gravure sur bois de fil, qui avait pour mission de nettoyer le musée souterrain.
Le jeune domestique avait déjà observé près d’une demi-heure, Archibald Maniachis fixant la caisse sans bouger, assis sur le tas de bûches de sections carrées qui lui faisait face — c’était, mais Slobodan l’ignorait, une installation de Carl André démontée et dûment étiquetée. Une autre fois il le vit caresser les planches rugueuses de la caisse avec une précaution infinie.
Un jour, Maniachis demanda à Slobodan d’installer un anneau solide au plafond d’une des salles et d’y attacher la caisse. Suspendue ainsi à mi-hauteur, et enveloppée dans la lumière verdâtre de la cave, la caisse, par l’effet suggestif de la mise en scène paraissait elle même une œuvre d’art. Maniachis n’espérait tromper personne, et surtout pas lui-même, avec cet artifice. Il avait juste tenu à placer la sculpture de Blasco en suspension, pour l’accorder sur sa propre méditation. Car, lorsque Maniachis restait de longs moments devant la caisse, c’était souvent les yeux fermés, plongé dans une intense concentration mentale, tentant de percer le bois de la caisse par la seule force de son imagination.
Mais il avait beau chauffer à blanc cette imagination, il ne parvenait qu’à ressasser de lancinantes questions, parfois triviales, du genre de : Est-ce qu’il y a vraiment quelque chose dans la caisse ? — Il avait soupesé l’objet. Il paraissait bien léger. Mais il se rassura en constatant que Blasco n° 15 avait sensiblement le même poids que Blasco n° 10 et Blasco n° 12.
La première chose qu’il apprit, en lisant tout ce qu’il avait pu réunir comme articles et catalogues sur Blasco, c’est que celui-ci était apparemment mort l’année dernière, et que les questions resteraient sans réponse. De la luxuriante documentation, il ne retira que le portrait en demi-teinte d’un artiste » contemporain » tout à fait ordinaire, ni plus ni moins crédible que la plupart des autres. Ce qui le distinguait de la plupart des autres, c’était sans doute son côté » artisan « , sa minutie dans la réalisation de ses œuvres. Maniachis avait particulièrement en tête sa légendaire exposition Blasco n°7 au Palais du Commerce — ou du salon de Flore dans certaines versions. En somme, à une époque où les artistes prenaient le plus grand soin à détruire l’idée même de l’œuvre d’art, avec un grand » oe « , Blasco persistait à vouloir créer une vraie œuvre, comme autrefois, quelque chose à laisser en héritage, pas seulement un nom se répétant dans les foires et les galeries à la manière d’un slogan publicitaire. Il fallait donc admettre que Blasco ne pouvait pas être un imposteur, et qu’il avait dû apporter à son œuvre ultime le même soin qu’aux précédentes, avant de clouer sur elle un cercueil opaque.
Au début, Archibald Maniachis avait essayé de chercher dans le passé d’autres œuvres créées tout exprès pour être cachées. Il revoyait ces portraits funéraires du Fayoum, de facture si délicate, si minutieusement ressemblants, achevés pour être aussitôt enterrés. Il pensait à ces immenses vaisseaux de pierre médiévaux, aux voûtes ourlées d’anges, de saints, d’Adam et d’Ève transis, de vierges folles, de vierges sages, de démons velus, de diables hérissés, d’animaux fabuleux, tous surgis du ciseau ou du pinceau pour rejoindre des hauteurs inaccessibles aux regards …
Il avait fini par voir la caisse différemment. Plus du tout comme un sarcophage cachant l’œuvre ultime de Blasco, mais comme une aura la révélant. Cette œuvre était invisible, non à cause de l’opacité de la matière qui l’enfermait, mais en raison de la lumière aveuglante qui l’enveloppait. Peu importait, au fond, de savoir si la caisse contenait réellement une œuvre d’art, car la caisse, et son contenu, ne pouvaient exister que l’un par rapport à l’autre. Cette découverte laissa Maniachis dans un état de parfaite sérénité.
Jusqu’au jour où tout faillit basculer, où Slobodan remonta quatre à quatre de l’entrepôt souterrain. Il était écarlate et haletait.
— Votre caisse, Monsieur …
Maniachis sentit un souffle glacial lui saisir les reins.
— La caisse de Blasco ?
— Elle s’est décrochée, Monsieur, la corde n’a pas tenu.
— Est-elle … ? demanda Maniachis, d’une voix étranglée.
— Hélas oui, Monsieur, elle s’est ouverte en tombant …
— Taisez vous donc, hurla Maniachis.
Dans le silence pesant qui suivit, il prit le temps d’observer attentivement Slobodan. Il percevait dans ses yeux une sorte de voile terne tout à fait inhabituel. — Il l’a vu, c’est certain — se dit-il en un éclair. Il sut instantanément ce qu’il avait à faire.
— Eh bien, Slobodan, qu’attendez-vous pour réparer les dégâts, lança-t-il d’une voix blanche.
Maniachis attendit quelques instants, il descendit jusqu’à la porte de la cave, la ferma à double tour. Puis, sans tenir compte des hurlements de Slobodan, il mura tranquillement l’entrée avec quelques parpaings. — En somme, songea-t-il, en remontant dans ses appartements, Blasco aurait fait la même chose à ma place. Et il sentit qu’il était devenu vraiment un artiste.