Lettre de voeux à monsieur l’Inspecteur – Frédérique Rouyard

Je suis l’élève de Monsieur Eusèbe Moustachu. Je souhaite que vous veniez l’inspecter. C’est un drôle d’instituteur que j’ai là. Croyez-moi, il n’est pas commode. Il crie tout le temps, tire les oreilles, met au coin, donne des coups de règle et moi, ça me glace. Je suis tétanisé, ses cris perpétuels m’effraient. C’est à cause de lui que je n’aime pas l’école. C’est à cause de ses cris que je ne progresse pas. Si mes notes sont piteuses, la faute lui en revient : il me terrorise avec les règles de grammaire et sa règle en fer. Je prends trop de coups, je rentre meurtri chez moi.
Alors Monsieur l’Inspecteur, je souhaite que vous veniez lui apprendre les bonnes manières dont il faut user avec les enfants. Ou plutôt non, je souhaite que vous le surpreniez en pleine brutalité, que vous le réprimandiez et lui mettiez une très mauvaise note, pire que celles dont il orne mes devoirs. Un zéro serait bien, mais je n’exigerai pas que vous soyez aussi sévère, même s’il mérite une note inférieure à zéro.
Voyez-vous, Monsieur l’Inspecteur, cette mauvaise note permettrait que je change d’instituteur et qu’enfin je puisse apprendre quelque chose. Tant que Monsieur Moustachu me fera la classe, je porterai le bonnet d’âne. Si vous me débarrassez de lui, je sais que je pourrai le refiler à plus mauvais élève que moi, parce que moi, Monsieur l’Inspecteur, je suis un bon bougre, sans malice, mais facilement impressionnable. Sauvez-moi de ce martyre quotidien ! Punissez-le pour qu’il ne me punisse plus !
Si vous ne pouvez pas faire ce que je vous demande, alors il ne me reste plus qu’à décamper de cette classe où je subis tous les jours la violence verbale et physique de Monsieur Moustachu, l’humiliation pluri-quotidienne de ses commentaires mesquins. Je n’en peux plus de ces vexations répétées. Si vous voulez que je sache lire, écrire et compter, remettez-le à sa vraie place : DEHORS.
Monsieur l’Inspecteur, je sais que vous êtes un homme bien, que vous comprenez mes plaintes et que vous aurez à cœur de me tirer de cette situation pénible, douloureuse et infernale.

Je vous remercie de votre attention. Je vous salue, Monsieur l’Inspecteur.

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