Jour 1
4h29 au réveil, lorsque je daigne le regarder. Je me sens étrangement épuisé. Le rêve se délite peu à peu, à la manière d’une toile d’araignée déchirée par la pluie. Je l’admire encore un peu. J’en compte les spires, les rayons, les perles d’eau suspendues. Puis je m’en arrache à regret et le plafond me fixe, tandis que je reste étendu, telle une bête blessée. Curieux goût en bouche : les dernières notes sucrées d’un mélange de passion et de calme.
Un vieillard traîne avec peine sa silhouette courbée jusqu’au pas de sa porte. Il n’aime pas sortir. Dehors, tout va trop vite. Les foules se pressent, les voitures klaxonnent, l’agitation de la ville semble ne jamais s’arrêter. L’air est chargé de bruits, d’odeurs, de lumières ; une effervescence étourdissante. Il sort son trousseau rouillé, tourne deux coups secs dans la serrure, puis claque la porte avec mauvaise humeur. Il se déchausse maladroitement, époussette son manteau et le dépose sur le dos d’une chaise qui peine à tenir debout elle aussi.
On me tire, on m’étire, on me met en place. Je suis le maître de ces lieux, ils me regardent avec un air anxieux. J’attends, la face rigide et l’œil vide. Je dois respecter les apparences, ils ne sont que des pions dans mon jeu. Mes cavaliers ne tiennent plus en place devant la foule qui s’amasse. J’inspire, respire, je me calme. C’est ma première et dernière chance. Je le sais et ils le savent. Tout doit être parfait ou je mourrai, accueilli à bras ouverts par la solitude et l’oubli. Mais je n’ai pas peur. Un technicien m’a soufflé que tous les acteurs, comme le scénariste, étaient de renommée mondiale. J’imagine déjà le scénario.