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Il portait un caban un peu trop grand pour lui et déchiré le long de la poche droite. Le beige terni tranchait avec une tâche brunâtre qui lui succédait en dessous de cette poche. Le caban trempait dans l’eau. Il plongeait dans l’eau. Il disparaissait au travers d’un miroir qui, plutôt que de lui rendre son propre reflet, affichait la Lune. Elle n’avait de beige terni que quelques cratères qu’on pouvait distinguer en plissant les yeux ; elle, elle n’était ternie que par quelques masses indistinctes. C’était elle qui, altière et gourmande d’un reflet à la surface de l’eau, occupait l’espace.
Il y avait un hameçon qui luisait dans la poche déchirée du caban, et une main s’en empara. Joseph, aux ongles terreux, donna à un lombric un baiser de la mort avec la lèvre tranchante de l’hameçon. Le ver dansa quelques instants encore, puis son ballet se mua en un balai au bout du fil de pêche que Joseph agitait. Il sombra, comme le caban et la Lune avant lui, dans les eaux sombres du lac. Il nagea si bien qu’on ne le revit plus.